Bienvenue en 1984, Monsieur Orwell !
Après deux écoles de Bruxelles, c’est au tour de l’école libre Marie-José de Liège d’installer un système de contrôle des empreintes digitales pour permettre l’accès des élèves au bâtiment.
Le directeur de l’école a justifié la mise en place du système par plusieurs problèmes : « Des personnes qui n’ont rien à faire à l’école viennent dans l’établissement pour faire des dégradations, voir s’ils ont un contentieux avec nos élèves. Dans d’autres cas, ce sont des parents de mauvaise humeur qui veulent venir rencontrer professeurs ou élèves. » Ce système permettrait également aux éducateurs de se consacrer davantage à leur tâche plutôt qu’à celle de compteur de présence.
Symptômatique de l’état de l’enseignement belge, le déficit de personnel éducatif et enseignant est ici résolu par l’introduction d’une technologie suspecte.
Nous engageons les élèves de l’école Marie-José à refuser massivement d’enregistrer leurs empreintes, comme ils devaient le faire ce 5 février. Nous les engageons d’autant plus que le Directeur a précisé que « l’élève qui refusera de les enregistrer ne sera pas pénalisé ».
Vers le contrôle permanent
Les expériences de contrôle biométriques de nos activités (contrôle de l’accès à l’entreprise, au self, au parking etc.) se multiplient. Si de nombreux moyens technologiques de contrôle existent déjà et permettent depuis peu la traçabilité de nos comportements sociaux (le téléphone portable, l’internet, la carte bancaire etc), la biométrie, le plus souvent présentée de façon anodine, constitue bien de part les données qu’elle enregistre, le moyen de contrôle potentiellement le plus dangereux pour la liberté individuelle.
Pour des raisons déontologiques, professionnelles et politiques, nous dénonçons plus particulièrement son installation « expérimentale » dans les écoles.
Dans le contexte actuel, où le gouvernement répond aux problèmes des établissements scolaires par un discours répressif et sécuritaire, nous craignons que, ajouté à la vidéosurveillance et à la circulaire « PLP41 » qui vise entre autres à signaler les individus « déviants » à la police, ce nouveau moyen transforme l’école en instrument de contrôle social. S’il y a effectivement des actes d’incivilités et de violence qui perturbent la vie scolaire, il temps de s’interroger sur leurs causes économiques et sociales. Et temps de résoudre ces problèmes en amont. (Voir l’article « Violence à l’école. Des pistes face au tableau noir » )
La situation nous inquiète d’autant plus que, en acceptant la biométrie, l’Ecole familiarise les plus jeunes à son usage. Elle participe donc à la normalisation de cette technique de surveillance et prépare les jeunes à un monde de contrôle permanent. Elle concourt à la mise en sommeil des consciences au lieu d’être un lieu privilégié d’exercice de l’esprit critique. La résistance ne viendra pas d’esprits au garde-à-vous.
Qu’adviendra-t-il quand on pourra à l’avenir pour chaque individu croiser son dossier scolaire, ses données médicales, familiales et son casier judiciaire ? L’échec scolaire stigmatisera-t-il la « dangerosité sociale » d’un individu ?
Enfin, nous refusons la biométrie car elle sera plus que probablement synonyme d’une raréfaction du personnel d’éducation dans les enceintes des établissements scolaires. La mécanisation des entrées et sorties des élèves qui prétend alléger la tache de la vie scolaire, finira par la vider de ses éducateurs et retirer à l’espace scolaire toute dimension éducationnelle et pédagogique.
Par ailleurs, les écoles (et particulièrement celles en discrimination positive) jouent un rôle social bien après le parcours scolaire des élèves. Combien ne reviennent pas chercher un conseil ou un peu de soutien moral auprès de leurs anciens éducateurs et professeurs ? La mise en place de bornes biométriques cassera ce rapport tout simplement… humain.
Nous appelons toutes les organisations syndicales et pédagogiques conscientes des risques soulevés par le contrôle biométrique et technologique à l’école à se concerter pour organiser un front du refus et réaffirmer notre attachement au projet d’une école pour tous au service de chacun.
Etudier à l’école Huxley et « Le Meilleur des mondes » deviendra-t-il bientôt sulfureux ?